Antoinette ROUVROY va reprendre le concept foucaldien de “gouvernementalité” pour en voir la mutation au travers de l’hégémonie de la nouvelle statistique algorithmique par les gouvernements .
La gouvernementalité algorithmique “s’appuie sur une série de dispositifs technologiques de détection, de classification et d’évaluation anticipative des comportements humains : une informatique qui prend de plus en plus « d’autonomie », une biométrie qui devient « dynamique » ou encore des environnements et une vidéosurveillance toujours plus « intelligents “ .
Elle passe d’abord par la collecte massive de données sur les individus, rendue banale par l’enregistrement simple et parfois anodin des comportements.
Elle passe d’abord par la collecte massive de données sur les individus, rendue banale par l’enregistrement simple et parfois anodin des comportements.
Puis par leur traitement via le “data mining” (“application de la technologie et des techniques de banque de données dans le but de découvrir des structures cachées et des relations entre données et d’en inférer les règles permettant la prédiction de résultats futurs.”)
Le tout géré par un ou des algorithmes.
Rouvroy estime qu’il y a là changement de paramètres dans la rationalité statistique puisque ce ne sont plus les phénomènes observables qui donnent le sens de l’action (démarche déductive) mais le traitement automatisé d’informations massives et provenant de contextes hétérogènes dans ce qu’il a de plus inductif .
[*note : ici l’individu statistique issu des catégories de l’algorithme (son “profilage”) est étrangement proche de l’individu cybernétique tel qu’il émerge de la cybernétique comme nous la transmit Breton dans l’utopie de la communication .
Et ce sont les formes de gouvernementalité qui sont touchées par cette nouvelle rationalité statistique : le « gouvernement statistique» ne s’intéressant plus à l’actuel et au factuel mais au potentiel et au possible « le résultat en est que l’on assiste à l’abandon progressif, par le pouvoir, de l’axe topologique – orienté vers la contrainte des corps et la maîtrise du territoire – au profit de l’axe temporel – la structuration du champ d’action possible des corps, la maîtrise, à un stade préconscient si possible, de ce que peuvent être les corps »
C’est même un gouvernement sans contrainte qui se contente de gérer des “dividus” issus des croisements statistiques opérés par l’algorithme, individus eux mêmes portés à laisser des traces sur tous les supports que le data mining pourra toucher… “C’est à ce titre que l’adhérence du gouvernement statistique à ses multiples objets hétérogènes qui composent le réel, et donc au réel lui-même, peut être totale : les sujets, « dividualisés », se prêtent entièrement à leur propre gouvernement statistique, par les traces qu’ils laissent, par la répétition et/ou le fléchissement de ces traces, sans qu’aucune instance extérieure de surveillance active, aucune règle, aucune médiation – sinon une intermédiation purement technologique – ne soient désormais plus nécessaires »
bibliographie :
Sur la notion de “gouvernement statistique”, voir Antoinette Rouvroy et Thomas Berns, « Détecter et prévenir : de la digitalisation des corps et de la docilité des normes. », Lebeer Guy et Moriau Jacques (éds.), (Se) gouverner. Entre souci de soi et action publique, P.I.E. Peter Lang, 2009
Antoinette Rouvroy, Thomas Berns “Le nouveau pouvoir statistique »” in Multitudes n°40, 2010, p.88)
Vers une civilisation de l’algorithme ?, des scientifiques Thierry Magnin et Pierre Giorgini
A quoi rêvent les algorithmes, du sociologue Dominique Cardon