Philippe BRETON, l’utopie de la communication – fiche de lecture

Fiche de lecture du livre  “l’utopie de la communication” de Philippe BRETON, La Découverte 1992

La cybernétique, c’est la science des lois générales de la communication, en ceci que la communication ce sont les relations entre hommes, nature, machines que le langage mathématique découvre. Connaître ces lois c’est pouvoir « contrôler », maîtriser, la communication qui est au centre de l’humanité 1.

La cybernetique est le paradigme unificateur de la connaissance du monde relationnel moderne au centre duquel est la communication : en rupture avec le paradigme cognitif substantialiste des sciences classiques, la cybernétique donne priorité aux relations entre les choses (les êtres n’existent pas en eux-mêmes mais par leurs relations !). C’est l’idéologie de la transparence, prégnante au sortir des années 45, qui émerge ici dans cette volonté de clarifier, diriger les échanges : en haut de la société cybernétique les comportements de communication les plus complexes auront le plus de valeur ; la notion de rétroaction, feed-back (imput/output ; info entrante et sortante) est au cœur du système, son moteur (« capacité d’un dispositif quelconque à recevoir et émettre les informations nécessaires à un équilibre donné ») ; en définitive c’est la capacité + ou – grande des êtres à échanger des informations qui est au fondement de la cybernétique ; la communication est système et fomente son environnement (biologique, minéral, artificiel…) : de ce point de vue tous les êtres sont donc sur le même plan, hommes et machines sont comparables (système nerveux de l’homme/machine…) seule la quantité d’info échangée compte (car c’est elle qui permet à un organisme de survivre et se maintenir grâce à l’échange entrant/sortant).

Norman WIENER va verser les thèses cybernétiques dans le social, comme modèle de société pour le futur (vers 1947) la société est communication et ce qui la guette est l’entropie (isolement d’un organisme par manque d’information qui l’entraîne vers la disparition et donc le système vers la chaos !). Il distingue les sociétés ouvertes des sociétés fermées, communautés ouvertes de fermées, ces dernières étant menacées de disparition : seule la mise en place d’un système de régulation, de contrôle de l’information, va permettre à ces sociétés de survivre, de repousser le mal inéluctable de l’entropie naturelle (tous les organismes meurent) ; seule une société communicante, cybernétique, est envisageable pour l’avenir. C’est l’avènement nécessaire de l’homo comunicans que BRETON décrit comme « un être sans intériorité et sans corps, qui vit dans une société sans secret, un être tout entier tourné vers le social, qui n’existe qu’à travers l’information et l’échange, dans une société rendue transparente grâce aux nouvelles machines à communiquer »2 (infaillibles elles !).

1 Après les astres, les esprits, Dieu, voici le langage mathématique comme nouvelle cosmogonie.

2 Philippe BRETON, L’utopie de la communication, La Découverte, 1992, p. 46

3 Idem, p. 49

Les deux principes de base de la societe cybernetique

tout être qui communique à un certain niveau de complexité est un être social ; c’est cette capacité informationnelle (à échanger) qui défini « l’être » (et non plus son biologisme). Donc l’être est un être social défini par sa capacité à communiquer socialement ! D’autant plus que l’être est d’emblée emplit d’information (cellules du corps, membranes, reproduction…) : d’ailleurs toutes les formes d’organisation de la vie contiennent de l’info (corps, gênes, télégraphe, radio, TV) dont les lois sont facilement repérables, donc gérables donc reproductibles : « Etre vivant équivaut à participer à un large système mondial de communication »1. La métaphysique de l’être n’est plus essentielle (son questionnement intérieur sur l’existence) seul l’agir communicationel, l’échange vers l’extérieur compte : par les machines communicantes aux prouesses fantastiques on va libérer l’information, multiplier les communications, dans une société qui ne repose plus sur le conflit, l’équilibre des forces, mais sur la transparence et la capacité d’échange d’info. L’individu y est vu comme un réacteur à l’information. Intercommunication et calcul rationnel sont à la base du lien social. On voit là se profiler le rôle des médias pour le futur et de l’idée d’auto-gestion communautaire” 2.

Au fondement de l’utopie cybernétique, la prise de conscience de l’après-guerre mondiale : celle-ci a été la rencontre paroxystique de la déconstruction de la morale initiée depuis le XIXe siècle par le Darwinisme social (seules les espèces sociales les plus fortes survivent) et la vision Nietzchéenne du monde (il faut renverser l’ordre établit par la civilisation judéo-chrétienne : les forts doivent se soulever et renverser les faibles qui gouvernent le monde depuis 2000 ans) et des moyens de destruction massif initiés par la raison (le meurtre reprit par une collectivité au nom de la pureté et les populations civiles exterminées pour la 1ere fois).

1 Idem, p. 49

2 Dans toute cette conception on trouve le souci des scientifiques comme WIENER de rompre avec le passé récent de la barbarie nazie (secret, conflit, extermination, bombe) et de la compromission d’une bonne partie de la communauté scientifique dans ces conflits (« guerre de 30 ans » dit BRETON : Hiroshima) au service des Etats et militaires (dans la nouvelles société il n’y a pas d’Etat !)

Suite de la fiche de lecture sous forme d’ebook sur le site de la librairie Saphira :  l’utopie de la communication ,  Philippe Breton

Originally posted 2007-01-10 19:43:05.