le Maitre de Conférences en SIC Oliver Etzscheid, va en décrire la généalogie et le fonctionnement dans l’avènement des pratiques d’indexation des informations puis des individus, par les “géants du web’ (Google, Facebook) et leurs visées commerciales…
En effet il distingue trois périodes dans l’indexation documentaire sur le web :
– d’abord les années 90/2000 et la volonté des moteurs de recherches d’indexer tous les documents; volonté qui se heurte aux pratiques de stockage des documents sur les ordinateurs par les individus et leur usage de messageries inaccessibles aux moteurs de recherche. Néanmoins cette frontière entre “web visible” et “web profond” sera abolie quand les individus passeront progressivement en ligne l’ensemble de leurs documents et utiliseront avec succès des webmails.
Etzscheid estime que la visée documentaire des moteurs de recherches ne doit surtout pas cacher leurs visées commerciales, surtout avec l’arrivée de programmes de publicités ciblées type adsence chez Google ou l’achat de mots clés dans les recherches de son moteur de recherche “universel” via le programme adwords… C’est la” marchandisation de l’indexation”.
– Mais avec le web 2.0., appelé aussi “web social”, une pratique de l’indexation sociale se fait jour, mettant l’humain au coeur de l’indexation en compétition avec les algorithmes des moteurs. C’est la deuxième étape dans la constitution d’un eco-système documentaire sur le web. Au côté de l’indexation algorithmique évolue l’indexation humaine depuis 2004.
– Enfin l’avènement des plates-formes sociales comme Facebook, marque pour l’auteur “une troisième étape [qui] permet d’envisager chaque individu et les relations inter-personnelles qui structurent sa socialisation connectée, comme le nouveau corp(u)s documentaire d’une écologie informationnelle globale” . C’est Facebook avec son concept de “graphe social” qui souhaite formaliser l’imaginaire communautaire supposé vivre chez tous les internautes et qui propose une interface propice à toutes les indexations documentaires : de l’âge au sexe, en passant par la religion, les groupes affinitaires, les goûts et les objets échangés, l’interface de facebook est une sémiotique active du document social .
Le document, la manière dont on s’inscrit sur Facebook devient “identitaire” . En plus, ce document, qui est notre identité en ligne (notre “identité numérique”) peut être lexicalisé par les autres (proches, connaissances, lointains…) : notion de “re-documentarisation” (Manuel Zacklad).
Etzscheid de conclure : grâce à facebook, avec “ces traces identitaires documentées (…) l’Homme est devenu un document comme les autres, disposant d’une identité dont il n’est plus « propriétaire »
Et comme l’auteur pense que “L’industrialisation de l’indexation rejoint donc inexorablement celle de l’intime (Giffard, 2005)” elle sera pour lui effective quand toutes les sphères propices à la documentarisation (sphère privée, sphère publique de l’individu) seront couvertes par les géeants du web et leurs technologies de l’indexation numérique . C”est la concordance actuelle entre “flux informationnels, documentaires et identitaires” qui est au coeur de ce continuum que tentent d’exploiter commercialement ces entreprises de l’Internet, faisant de l’Homme, “un document comme les autres”.
Au final : “nous sommes aujourd’hui entrés dans un troisième âge documentaire qui systématise l’instrumentalisation de nos sociabilités numériques ainsi que le caractère indexable d’une identité constituée de nos traces sur le réseau, indistinctement publiques, privées ou intimes. Documents et mots-clés ont acquis une dimension marchande.”
Bibliographie :
ERTZSCHEID Olivier (2006), « L’homme est un document comme les autres : du World Wide Web au World Life Web », Hermes n°53, p.36
Le monde selon Zuckerberg – Portraits et préjudices, Olivier Ertzscheid
L’appétit des géants – Pouvoir des algorithmes, ambitions des plateformes, Olivier Ertzscheid